« Tu seras la joie de ton Dieu » (Is 62, 1‑5)
Dieu ne te lâche pas, même quand tout a l’air foutu

Ce texte, on le lit à la messe de la nuit de Noël. Et il vient parler à des gens qui en ont bavé : un peuple fracassé, humilié, qui a l’impression de ne plus compter pour personne.
En gros, on disait d’eux : « Délaissés », « Désolation ».
Tu vois le genre d’étiquette : « raté », « sans avenir », « plus rien à en tirer ».

Et là, Dieu, à travers Isaïe, vient dire exactement l’inverse :

« On ne te dira plus : “Délaissée !” (…)
Toi, tu seras appelée “Ma Préférence” (…)
Tu seras la joie de ton Dieu. »

Si on traduit pour aujourd’hui, c’est comme si Dieu te disait :
« Toi que tout le monde classe au fond de la pile,
pour moi, tu restes important. Tu comptes. Tu me fais joie. »

1. « Pour ta cause, je ne me tairai pas »

Le texte commence fort :
« Pour la cause de Sion, je ne me tairai pas. »

En langage d’aujourd’hui, c’est :

« Tant que toi, tu es dans la galère,
moi, je ne vais pas faire comme si de rien n’était.
Je ne vais pas me résigner. »

Dieu ne regarde pas le monde de loin en haussant les épaules.

Si on relit ça avec ce qu’on vit aujourd’hui :

  • les guerres qui s’enchaînent,
  • les réfugiés qui dorment dehors,
  • la création abîmée,
  • les familles qui se déchirent,
  • les gens qui craquent intérieurement,
  • tous ceux qui vivent la solitude, la dépression, la précarité…

On pourrait entendre Dieu redire :

  • « Pour la cause de ceux qui fuient la guerre, je ne me tairai pas. »
  • « Pour la cause de ces enfants qui grandissent dans la peur, je ne me tairai pas. »
  • « Pour la cause de cette personne qui n’en peut plus et n’ose rien dire, je ne me tairai pas. »

Noël, ce n’est pas : « Tout va bien, dormez tranquilles ».
C’est : « Le mal est réel, mais je ne vous laisse pas seuls là‑dedans.
J’entre dans votre histoire. Je descends dans le bazar. »

2. Dieu enlève les étiquettes qu’on colle… et qu’on se colle

« On te nommera d’un nom nouveau
que la bouche du Seigneur dictera. »

Nous, on adore coller des étiquettes :

  • Sur les autres :
    « Il est nul »,
    « Elle est trop fragile »,
    « Lui, c’est un cas social »,
    « Elle, de toute façon, elle a tout raté ».
  • Sur nous‑mêmes :
    « Je suis toujours en retard »,
    « Je suis un mauvais parent »,
    « Je n’y arriverai jamais »,
    « Je suis de trop »,
    « Je suis cassé pour de bon ».

Dieu, lui, ne s’arrête pas à ces étiquettes.
Là où toi ou les autres disent : « Délaissé »,
lui répond : « Ma Préférence ».
Là où on voit « Désolation »,
il voit « L’Épousée », quelqu’un qu’il choisit, qu’il aime.

Concrètement, ça veut dire quoi pour toi ?

  • Tu te sens invisible dans ta famille, au boulot, en Église ?
    Dieu te dit : « Moi, je te vois. Tu n’es pas un numéro de plus. »
  • Tu as l’impression d’avoir trop foiré pour qu’il se passe encore quelque chose de bon dans ta vie ?
    Il te dit : « Tu ne te résumes pas à tes échecs. Je peux écrire autre chose avec toi. »
  • Tu te traites toi‑même très durement, sans te pardonner ?
    Lui t’appelle « couronne dans sa main », pas « déchet sur le côté ».

3. Dieu parle comme un amoureux, pas comme un gestionnaire

La fin du texte est incroyable :
« Ton Bâtisseur t’épousera. (…)
Comme la jeune mariée fait la joie de son mari,
tu seras la joie de ton Dieu. »

Dieu ne se contente pas de « gérer » le monde, comme un chef de service débordé.
Il t’aime avec un cœur d’époux :
un amour fidèle, passionné, qui se réjouit de la personne aimée.

Et là, on comprend pourquoi Noël est tellement lié à ce texte.

À Noël, Dieu ne se contente pas de nous envoyer un message :
il vient lui‑même, en chair et en os, comme un petit bébé.
Il se rend vulnérable. Il prend le risque d’être refusé, critiqué, rejeté.

Pourquoi ?
Parce que pour lui, tu en vaux la peine.
L’humanité en vaut la peine.
Même dans son état actuel : partagée, violente, incohérente.

Dieu te dit, aujourd’hui, avec ce texte :

« Tu ne peux pas imaginer à quel point ta vie me touche.
Tu vois tes failles ; moi, je vois aussi tout ce qu’il y a de beau,
tout ce qui peut encore naître, guérir, grandir.
Tu peux être ma joie, même avec ton histoire compliquée. »

4. Quel lien avec notre vie de 2025 ?

Si on laisse vraiment ce texte nous parler, il vient toucher du concret :

  • Là où tu te sens abandonné
    Peut‑être que tu traverses une rupture, un deuil, un échec, un licenciement,
    ou simplement une impression de vide intérieur.
    Tu te dis : « À quoi je sers ? Qui penserait à moi ? »
    Dieu te répond : « Tu comptes pour moi. Je n’ai pas fini avec toi. »
  • Là où tu penses que ton avenir est fermé
    Tous ces « c’est trop tard », « j’ai raté le coche », « plus rien ne changera jamais ».
    Isaïe vient casser ça : Dieu peut rouvrir un chemin là où toi, tu ne vois que des murs.
  • Là où tu regardes les autres avec mépris ou indifférence
    Ce sans‑abri à qui tu ne donnes même plus un regard,
    ce collègue lourd,
    ce membre de ta famille que tu as rayé,
    ces migrants dont tu te dis : « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde ».
    Dieu te souffle : « Celui‑là, celle‑là aussi, je les vois comme une couronne dans ma main. »
    Et il t’invite, si tu peux, à changer un peu ton regard, et peut‑être un geste.

5. Bethléem : une couronne… dans une mangeoire

« Tu seras une couronne brillante dans la main du Seigneur. »

Et à Noël, cette phrase se réalise d’une façon déroutante :
Dieu ne met pas une couronne sur sa tête,
il vient comme un enfant posé dans une mangeoire.

Sa « couronne », c’est nous.
C’est l’humanité entière, avec ses faiblesses, ses contradictions, ses beautés cachées.

À Bethléem, Dieu prend sur lui notre pauvreté, notre fragilité, notre vulnérabilité.
Il ne vient pas briller loin de nous,
il vient briller à partir de nous,
en faisant de nos vies des lieux où quelque chose de son amour peut passer.

Alors, en entendant :

« Tu seras la joie de ton Dieu »,
tu peux te laisser rejoindre simplement :

  • Peut‑être que ce soir tu n’as pas trop la foi,
    ou que tu te sens loin de Dieu.
    Tu peux quand même lui dire :
    « Si c’est vrai que je peux être ta joie,
    viens réveiller ça en moi. Aide‑moi à y croire un peu. »
  • Peut‑être que tu connais quelqu’un qui se sent « délaissé », en marge.
    Tu peux être, pour cette personne,
    un petit signe concret de cette parole :
    un coup de fil, une visite, un message sincère, une écoute vraie…
    Juste de quoi lui redire sans forcément utiliser les mots de la foi :
    « Tu comptes. Tu n’es pas de trop. »

En résumé : ce texte dit que, pour Dieu, tu n’es pas un dossier parmi d’autres.
Tu es cette personne qu’il regarde avec tendresse,
qu’il rêve de relever, de consoler, de faire vivre pleinement.

Et dans la nuit de Noël, au milieu d’un monde cabossé,
il te répète calmement :

« Tu n’es pas “Délaissé”.
Tu es ma joie possible.
Laisse‑moi te redonner un nom neuf,
un avenir qui n’est pas écrit seulement par tes blessures,
mais par mon amour pour toi. »

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