Il était une fois, dans un royaume entouré de montagnes et baigné par une rivière capricieuse, un roi nommé Théodoric. Théodoric était un homme que l’on disait puissant. Son palais était fait de marbre blanc et ses trésors brillaient dans des salles verrouillées. Mais Théodoric était surtout célèbre pour son orgueil démesuré.

Il se tenait toujours droit, le menton levé, et croyait que la force de son royaume venait uniquement de son propre génie. Il avait écrasé les petites communautés paysannes pour bâtir ses grandes routes et avait taxé si lourdement les artisans qu’ils vivaient dans la misère.

« Je suis le pilier du monde ! » aimait-il proclamer.

Dans l’ombre du grand palais, s’étendaient les faubourgs poussiéreux où vivaient les gens simples. Parmi eux, il y avait un petit jardin partagé, entretenu par une vieille femme nommée Elara. Elara n’avait ni titre, ni richesse, mais elle avait une foi simple et une patience infinie.

Dans son jardin, elle cultivait des roses, non pas les grandes roses luxueuses des nobles, mais des variétés modestes, résistantes, dont le parfum n’était connu que de ceux qui prenaient le temps de s’arrêter. Les voisins, affamés, venaient souvent y chercher un peu de réconfort et de dignité oubliée.

« Le véritable pouvoir, » disait Elara en arrosant ses plantes, « n’est pas celui qui prend, mais celui qui nourrit. »

Un jour, le ciel se couvrit de nuages épais, et l’eau se mit à tomber, sans s’arrêter, pendant des jours et des nuits. La rivière capricieuse, négligée car le Roi n’avait pensé qu’à construire ses palais, sortit de son lit et se transforma en un torrent furieux.

L’inondation monta rapidement. Les fondations fragiles des maisons des pauvres furent les premières à souffrir.

Le Roi Théodoric, depuis les remparts de son palais, vit l’eau monter. Il pensa : « Mon palais est en marbre, l’eau ne m’atteindra pas. » Il donna l’ordre à ses gardes de renforcer les portes, protégeant uniquement ses trésors. Il n’envoya aucune aide aux faubourgs, disant : « Que les faibles se débrouillent. »

Mais l’eau ne s’arrêta pas. Le torrent, gorgé de boue et de troncs d’arbres arrachés, s’attaqua d’abord aux grandes routes et aux infrastructures négligées.

Le comble de l’ironie fut que le puissant système d’aqueduc du palais, construit à la hâte sans respect pour le terrain, s’effondra en premier. Sans eau potable, sans ses routes pour livrer la nourriture, la forteresse du Roi devint une prison.

Le marbre était beau, mais il ne retenait pas la faim. Les puissants, enfermés dans leurs murs, réalisèrent qu’ils dépendaient entièrement des routes et des champs qu’ils avaient méprisés. Leur arrogance les avait isolés.

Pendant ce temps, dans les faubourgs, la vieille Elara avait incité les habitants, malgré la peur, à s’entraider.

Ils avaient mis en commun les quelques vivres qu’il leur restait et, surtout, ils avaient utilisé les petites buttes de terre du jardin, qui n’avaient pas été ravagées car elles étaient entretenues avec soin et humilité, pour s’abriter et s’organiser.

Le lendemain du déluge, lorsque l’eau commença à se retirer, ce furent les habitants des faubourgs, les « humbles » que le Roi avait ignorés, qui étaient les moins désorganisés. Leur habitude de l’entraide et leur simplicité étaient leur véritable force.

Le Roi Théodoric fut finalement obligé d’ouvrir ses portes, non pas en triomphateur, mais en homme vaincu et affamé. Il dut demander de l’aide aux survivants, ceux qu’il avait méprisés.

Il trouva Elara, devant son petit jardin de roses, qui, malgré tout, dégageaient un parfum de courage et de renouveau.

« Majesté, » dit Elara, sans s’incliner, « vous avez été renversé, non par une armée, mais par votre propre arrogance et par l’eau que vous avez ignorée. Le Dieu des humbles a montré que la véritable solidité n’est pas dans le marbre des puissants, mais dans la solidarité des petits. »

Le Roi dut apprendre à reconstruire son royaume sur une base nouvelle : l’humilité, le service et le respect de ceux qui travaillent la terre. Il comprit que le Dieu qui renverse les puissants le fait en révélant que l’orgueil est la faiblesse la plus grande, et que l’entraide est la seule véritable puissance durable.

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