La deuxième semaine de l’Avent est centrée sur le thème de la préparation et de la conversion, inspirée par la figure de Jean le Baptiste et l’appel à « préparer le chemin du Seigneur » (Isaïe 40, 3 et Marc 1, 3).

Voici le conte de « Le Pont du Cœur », inspiré par les lectures du deuxième dimanche de l’Avent (aplanir les chemins, justice et paix s’embrassent).

Le Pont du Cœur

Dans un royaume autrefois serein, vivait un vieil homme nommé Élie. Il habitait une petite maison isolée, située au pied d’une chaîne de montagnes. Ces montagnes, jadis de douces collines, avaient grandi et durci au fil des ans, s’appelant désormais les Monts-Orgueil et les Pics-Jugement. Elles étaient si hautes et abruptes qu’elles empêchaient les rayons du soleil matinal d’atteindre la vallée.

Mais ce n’était pas le pire. Juste devant la maison d’Élie, s’étalait une immense faille, le Ravin-Rancœur, si profond qu’on n’en voyait jamais le fond. Ce ravin s’était creusé il y a longtemps, lors d’une dispute non résolue avec son frère, et il symbolisait désormais toutes les tristesses et les reproches qu’Élie nourrissait.

Un matin, alors que le vent froid soufflait du désert, Élie entendit une Voix. Elle n’était pas forte, mais elle résonnait dans le silence.

« Préparez le chemin du Seigneur. Que tout ravin soit comblé, que toute montagne et toute colline soient abaissées. »

Élie, d’abord perplexe, regarda ses mains tremblantes. Comment pouvait-il, lui, vieux et seul, déplacer des montagnes de pierre et de glace, et combler un abysse de tristesse ?

Le premier chantier : Aplanir les Montagnes

Élie décida de commencer par le plus visible : les Monts-Orgueil. Il prit une petite bêche et commença à gratter le sol au pied du Pic-Jugement. Bien sûr, le travail était ridicule.

C’est alors qu’il comprit. Les montagnes n’étaient pas faites de pierre ordinaire. Elles étaient faites de ses propres opinions arrêtées, de ses critiques silencieuses envers les autres, et de l’idée qu’il avait toujours raison.

Il se rappela la dernière fois qu’il avait parlé à son voisin, le jugeant sévèrement pour une petite erreur. Élie s’assit, ferma les yeux et murmura : « J’ai eu tort de le juger. Je ne connais pas son cœur. »

À chaque parole humble qu’il prononçait — un aveu de ses fautes, un abandon de son besoin d’avoir raison —, une petite partie du Mont-Orgueil s’effondrait doucement en sable chaud. La terre, allégée de son poids, se rétractait. Le travail n’était pas de force, mais de cœur.

En quelques jours de conversion intérieure, les montagnes s’étaient transformées en douces pentes verdoyantes. Le soleil put enfin inonder la vallée.

Le deuxième chantier : Combler le Ravin

Restait le Ravin-Rancœur, le plus douloureux. Élie n’avait rien pour le combler. Il n’avait que ses souvenirs amers avec son frère.

Alors qu’il priait, se souvenant à la fois de la blessure et de l’amour perdu, il ramassa de petites pierres. Ces pierres étaient ses regrets, ses excuses non dites et ses tentatives de pardon.

Il commença à les jeter dans le Ravin-Rancœur. Il jetait une pierre, disant : « Je regrette la colère de ce jour-là. » Il en jetait une autre : « Je te pardonne d’avoir dit cela, et je me pardonne d’avoir réagi ainsi. »

À mesure que les petites pierres remplies de pardon tombaient, elles ne s’enfonçaient pas. Elles se liaient entre elles, miraculeusement. Et de la terre où germaient ses vœux de paix, des racines solides grandissaient pour former une arche.

Il ne combla pas le Ravin, mais il le ponda. La Vérité de ses aveux devint le pilier de gauche, et la Miséricorde qu’il offrait devint le pilier de droite. Au centre, Justice et Paix s’embrassèrent pour former le chemin plat.

L’Arrivée du Seigneur

La route était maintenant droite, les collines étaient douces, et le pont de pardon traversait l’ancienne faille.

Un soir, alors qu’Élie allumait sa deuxième bougie de l’Avent, une douce lumière apparut au loin. Ce n’était pas un roi guerrier, mais un Enfant enveloppé de paix, porté par un Amour inconditionnel.

L’Enfant ne marcha pas seulement sur le chemin ; Il s’arrêta au-dessus du Pont du Cœur.

« Je suis venu pour demeurer là où le chemin a été préparé, non par la force, mais par le repentir, » dit la voix douce.

Élie, les larmes aux yeux, comprit que préparer le chemin n’était pas un chantier extérieur, mais la conversion quotidienne de son propre cœur. La route que le Seigneur empruntait était celle qu’Élie avait pavée avec ses actes d’humilité, de pardon et d’espérance.

Et le soleil, qui atteignait désormais la vallée, brillait plus fort que jamais.

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