La maxime de l’Évangile, « Qui cherchera à conserver sa vie la perdra. Et qui la perdra la sauvegardera. » (Lc 17, 33), résonne avec une force particulière dans nos vies modernes, obsédées par la sécurité, l’accumulation et le contrôle. Alors que notre société nous encourage à conserver notre confort, nos privilèges, et notre « bulle » de bien-être, cette parole de Jésus vient perturber nos certitudes.

Le Piège de la Conservation (Perdre en cherchant à conserver)
Dans notre monde d’aujourd’hui, « chercher à conserver sa vie » prend plusieurs formes :
- L’Excès de Prudence : C’est la peur de s’engager, de prendre des risques, d’aimer sans garantie de retour. Nous « conservons » notre cœur en le blindant contre la douleur et la déception. Or, une vie vécue dans la peur de la perte est déjà une vie perdue de son essence, car elle est dépourvue de la profondeur des vraies relations et des grandes aventures.
- L’Idolâtrie du « Moi » : C’est la tendance à faire de notre propre bien-être, de notre carrière ou de notre image le centre absolu de notre existence. En nous repliant sur nous-mêmes, en refusant d’ouvrir nos ressources, notre temps et notre énergie aux autres, nous nous isolons. Paradoxalement, cette autosuffisance mène à une forme de stérilité spirituelle et émotionnelle. La vie que nous cherchons tant à protéger de l’extérieur se fane de l’intérieur.
- L’Attachement Matériel : Le texte de Luc parle de ne pas retourner chercher ses affaires. Aujourd’hui, notre vie est souvent définie par ce que nous possédons. Chercher à conserver sa vie, c’est s’encombrer et se laisser alourdir par l’accumulation matérielle et l’hyper-consommation, au point d’être incapable de prendre l’élan nécessaire pour un véritable changement de vie ou un appel de l’Esprit.
La Richesse du Don (Gagner en acceptant de perdre)
Inversement, « perdre sa vie » n’est pas une invitation à l’autodestruction, mais à l’abandon confiant et au don de soi. Dans le contexte de l’Évangile et de nos vies actuelles, cela signifie :
- Le Don Gratuit : Perdre sa vie, c’est accepter de donner de son temps, de son argent, de ses talents, sans attendre de retour immédiat. C’est l’engagement bénévole, l’aide à l’étranger, le temps passé auprès de l’isolé. Ces actes, qui semblent diminuer notre capital personnel, sont ceux qui donnent le plus de sens et de saveur à notre existence.
- L’Acceptation de la Vulnérabilité : C’est « perdre » la carapace de l’orgueil et du besoin de contrôle. C’est accepter d’être vulnérable, de se laisser aimer et d’aimer véritablement, même au risque d’être blessé. C’est dans cette ouverture que l’on trouve la vraie connexion humaine et la vie sauvegardée par la relation.
- Le Lâcher-prise Spirituel : Perdre sa vie, c’est accepter de mettre sa confiance au-delà de ses propres forces. C’est renoncer à l’illusion que l’on est le seul architecte et garant de son bonheur. C’est s’en remettre à Dieu, trouvant dans cette humilité et cet abandon une paix et une force qui dépassent toute sécurité matérielle.
Une Vie Vraiment Sauvée
La parole de Jésus n’est pas un précepte moral, c’est une description de la dynamique même de l’amour. Une graine doit mourir pour donner une plante. Une flamme doit se consumer pour éclairer.
Aujourd’hui, l’invitation est claire : notre vie ne se mesure pas à sa durée ni à sa richesse, mais à son intensité et à sa générosité. C’est en osant perdre nos petites sécurités, nos conforts égoïstes et notre obsession de l’auto-préservation que nous découvrons une vie plus grande, plus pleine et, finalement, sauvegardée pour l’éternité.
Osons-nous la perte nécessaire pour le gain véritable ?

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