Il était une fois, dans une ville bruyante où les enseignes lumineuses clignotaient jour et nuit, un homme nommé Théo. Théo n’était pas méchant, mais il avait une obsession : posséder. Il voulait la plus grande maison, la voiture la plus rapide, les vêtements les plus chers, et surtout, il voulait que tout le monde le voie et l’admire pour cela.

Un soir, alors qu’il rentrait chez lui après une longue journée de travail, les bras chargés de paquets, il croisa un vieil homme assis sur un banc. L’homme portait un manteau usé et un sourire mystérieux. Il tenait entre ses mains une petite bourse en cuir.
— « Tu as l’air fatigué, jeune homme, dit le vieil homme. Je parie que tu cours après quelque chose… ou après beaucoup de choses. » — « Et alors ? rétorqua Théo, agacé. C’est comme ça qu’on réussit, non ? » — « Peut-être, répondit le vieil homme en souriant. Mais sais-tu ce que tu perds en chemin ? »
Théo éclata de rire. — « Perdre ? Moi ? Je ne perds jamais. Je gagne, c’est tout. »
Le vieil homme ouvrit alors sa bourse et en versa un peu de contenu dans sa paume. C’était du sable fin, doré, qui brillait sous la lumière des réverbères. — « Cela s’appelle le sable du temps, dit-il. Chaque grain représente un moment de ta vie. Regarde bien. »
Il souffla doucement sur sa main, et les grains s’envolèrent, disparaissant dans l’air. — « Tu vois ? Chaque fois que tu cours après quelque chose qui ne te rend pas heureux, tu perds un peu de ton temps. Un peu de ta vie. »
Théo, intrigué malgré lui, s’assit à côté du vieil homme. — « Et toi, demanda-t-il, tu ne veux rien ? » — « Si, répondit le vieil homme. Je veux des rires, des histoires à raconter, des mains à serrer. Des choses que l’argent ne peut pas acheter. »
Théo trouva cela naïf. Il se leva, prêt à partir. — « Écoute, vieux, si tu veux vivre dans la pauvreté, c’est ton choix. Moi, je préfère avoir. »
Le vieil homme sourit à nouveau et lui tendit la bourse. — « Prends-en une poignée, si tu veux. Mais souviens-toi : plus tu en serreras dans ta main, plus il s’échappera entre tes doigts. »
Théo, moqueur, prit une grosse poignée de sable et la fourra dans sa poche. « Merci pour le conseil, dit-il en s’éloignant. Mais je sais ce que je fais. »
Les semaines passèrent. Théo continua à travailler dur, à acheter, à accumuler. Mais un étrange phénomène se produisait : chaque fois qu’il ouvrait sa poche pour vérifier son sable, il en avait un peu moins. « C’est normal, se disait-il, je suis occupé. » Il acheta une plus grande maison, mais se sentit plus seul. Il changea de voiture, mais le trajet lui sembla plus long. Il s’acheta des vêtements de luxe, mais personne ne les remarqua vraiment.
Un jour, alors qu’il fouillait désespérément dans sa poche, il ne trouva plus qu’un seul grain de sable. Paniqué, il courut à travers la ville pour retrouver le vieil homme. Il le trouva au même endroit, assis sur le même banc, comme s’il ne s’était jamais déplacé.
— « Aide-moi ! s’écria Théo. Mon sable a presque disparu ! » Le vieil homme le regarda avec douceur. — « Ce n’est pas ton sable qui a disparu, Théo. C’est toi qui l’as laissé filer, grain par grain, en courant après des choses qui ne te comblaient pas. »
Théo, les larmes aux yeux, comprit enfin. — « Alors… il est trop tard ? »
Le vieil homme prit la main de Théo et y déposa un dernier grain de sable. — « Non. Il n’est jamais trop tard pour choisir ce qui compte vraiment. Regarde. »
Il pointa du doigt autour d’eux. Théo vit des enfants qui riaient en jouant, un couple qui se tenait la main, un musicien de rue qui faisait danser les passants. « Tout cela, dit le vieil homme, tout cela est bien plus précieux que tout l’or du monde. Et c’est à toi de décider ce que tu veux garder dans ta poche. »
Théo ne devint pas pauvre. Mais à partir de ce jour, il changea sa façon de vivre. Il commença à donner – non pas pour se sentir généreux, mais parce qu’il avait enfin compris que partager multipliait la joie. Il passa moins de temps à travailler et plus de temps à vivre : à écouter, à créer, à aimer.
Et un soir, alors qu’il marchait dans la ville, léger comme jamais, il croisa à nouveau le vieil homme. — « Alors ? lui demanda ce dernier. Comment va ton sable, maintenant ? »
Théo sourit et ouvrit sa main. Elle était vide. — « Je n’en ai plus besoin, répondit-il. J’ai enfin trouvé ce qui ne s’échappe pas. »
Le vieil homme hocha la tête, satisfait, et disparut dans la nuit, laissant Théo à sa nouvelle vie – une vie où l’argent n’était plus un maître, mais un simple outil au service de ce qui comptait vraiment.
Moralité : « On passe sa vie à serrer des poings pleins de sable, jusqu’à ce qu’on comprenne que les vraies richesses sont celles qu’on ne peut ni acheter ni voler… mais seulement vivre. »

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