
L’histoire est connue : un gestionnaire, sur le point d’être licencié pour malversation, décide de réduire les dettes de ses clients pour s’assurer leur gratitude future. Son patron, loin de le condamner, admire son audace. Pourquoi ? Parce qu’il a su transformer une situation désespérée en opportunité, en utilisant les règles du système à son avantage.
Cette anecdote, souvent attribuée à une tradition ancienne, pose une question dérangeante : et si les « malins » – ceux qui savent jouer des failles, négocier, anticiper – avaient des leçons à nous donner, nous qui croyons en l’honnêteté et la droiture ? Et si l’intelligence pratique, souvent associée à la ruse, était en réalité une compétence essentielle pour naviguer dans un monde complexe ?
Dans un environnement incertain, où les règles changent sans cesse, savoir s’adapter rapidement n’est pas une faute, mais une nécessité. L’intendant de l’histoire n’est pas un modèle moral, mais un stratège. Il comprend que :
- Le statu quo n’est pas une option : Face à une menace (son licenciement), il agit.
- Les alliances comptent plus que les règles : Il mise sur la gratitude future plutôt que sur la légalité immédiate.
- L’audace paie : Il prend un risque calculé, et cela change son destin.
Transposition moderne :
- Dans le travail : Savoir négocier un projet, anticiper les conflits, ou transformer un échec en opportunité d’apprentissage.
- Dans les relations : Désamorcer une tension par une parole inattendue, ou créer des liens là où on n’en attendait pas.
- Face aux systèmes : Utiliser les failles d’un système bureaucratique pour aider quelqu’un (ex. : accélérer un dossier administratif bloqué).
Question : Où, dans ma vie, est-ce que je reste rigide par principe, alors qu’un peu d’audace pourrait débloquer une situation ?
Attention : il ne s’agit pas de célébrer la malhonnêteté, mais de reconnaître que les « combines » – ces petits arrangements avec les règles – peuvent parfois servir le bien commun. La frontière entre ruse et corruption tient à deux critères :
- L’intention : Est-ce pour servir un intérêt égoïste ou collectif ?
- Les conséquences : Qui en bénéficie ? Qui en souffre ?
Exemples :
- Un médecin qui « triche » sur un diagnostic pour qu’un patient obtienne plus rapidement un traitement vital.
- Un enseignant qui contourne les procédures pour aider un élève en difficulté.
- Un citoyen qui utilise les réseaux sociaux pour dénoncer une injustice, même si cela implique de bousculer les codes.
Réflexion : La vraie question n’est pas « Est-ce que je respecte les règles ? », mais :
- « Est-ce que mon action crée plus de justice ou d’injustice ? »
- « Est-ce que je prends un risque pour les autres, ou seulement pour moi ? »
Les « enfants de ce monde » (pour reprendre une expression ancienne) ont souvent une longueur d’avance parce qu’ils lisent les situations avec réalisme. Ils comprennent que :
- Les systèmes sont imparfaits : Les règles sont faites pour être interprétées, pas toujours suivies aveuglément.
- Les relations comptent : Dans un monde interconnecté, savoir créer des dettes de gratitude (comme l’intendant) est une force.
- L’urgence prime : Attendre la solution parfaite, c’est souvent rater le moment d’agir.
Comment développer cette intelligence ?
- Observer : Qui, autour de moi, sait « jouer » avec les contraintes pour obtenir des résultats ?
- Expérimenter : Oser des solutions non conventionnelles, même si elles semblent risquées.
- Évaluer : Après coup, analyser si la « combine » a servi l’intérêt général ou seulement le mien.
Cas pratique : Imaginons un manager qui, pour sauver son équipe d’un licenciement collectif, présente un projet audacieux à sa direction en « oubliant » de mentionner certains risques. Est-ce de la malhonnêteté ou du leadership ? Tout dépend de l’intention et des résultats.
Bien sûr, cette logique a ses dangers :
- Le glissement : Une petite entorse aux règles peut en cacher une autre, plus grave.
- La perte de confiance : Si tout le monde triche, plus personne ne croit en rien.
- L’épuisement : Vivre constamment en mode « stratège » est usant.
Comment éviter ces pièges ?
- Fixez des lignes rouges : Certaines règles ne se discutent pas (ex. : la sécurité, les droits fondamentaux).
- Assumez la transparence : Si vous contournez une règle, soyez prêt à en expliquer les raisons.
- Équilibrez : Alternez entre audace et rigueur pour ne pas perdre votre crédibilité.
L’histoire de l’intendant nous rappelle que l’intelligence ne se mesure pas à notre capacité à suivre les règles, mais à notre habileté à les faire servir le bien commun. Dans un monde où les systèmes sont souvent sclérosés, savoir « combiner » éthiquement peut être une vertu.
Trois résolutions concrètes :
- Identifier une situation bloquée (au travail, en famille, dans la cité) et imaginer une solution non conventionnelle.
- Trouver un « allié improbable » : Comme l’intendant, créer une dette de gratitude en aidant quelqu’un sans rien attendre.
- Oser une action audacieuse cette semaine, même si elle sort des sentiers battus.
Phrase clé à retenir : « La sagesse, ce n’est pas de respecter toutes les règles, mais de savoir lesquelles enfreindre, et pourquoi. »

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