
Frères et Sœurs,
Aujourd’hui, nous faisons mémoire de la dédicace de la Basilique Saint-Jean-de-Latran, « Mère et Tête de toutes les églises du monde ». Cette fête nous rappelle que l’Église est avant tout un lieu de rassemblement, un signe visible de l’unité avec l’évêque de Rome. Mais l’Évangile que nous venons d’entendre (Jn 2, 13-22) vient secouer cette belle image de stabilité.
Jésus entre dans le Temple, ce lieu sacré, et fait preuve d’une colère radicale. Il fabrique un fouet et chasse tout ce qui fait du commerce : les bœufs, les brebis, les colombes, la monnaie des changeurs. Son cri résonne : « Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce ! »
Comment comprendre cette violence de la part de Celui qui prêche l’amour ? Et quel lien cela a-t-il avec nos vies humaines en 2025 ?
En 2025, nous vivons dans une culture où tout est monétisé, où la logique du marché a envahi les espaces les plus intimes : nos données personnelles, nos relations (via les réseaux sociaux), et même notre quête de sens.
L’action de Jésus dans le Temple dénonce le piège de la commodification du sacré. Les changeurs et les marchands facilitaient la pratique religieuse (on devait acheter les animaux pour le sacrifice, changer les monnaies pour l’impôt du Temple), mais ils l’avaient transformée en une opération financière, un lieu de profit et d’inégalités.
Aujourd’hui, où sont nos « comptoirs » et nos « étals » ?
- Ils sont dans nos cœurs, quand nous cherchons à négocier avec Dieu : « Je fais une bonne action pour que Tu me donnes ceci en retour. »
- Ils sont dans l’Église, quand nous mesurons la valeur des personnes à leur contribution financière ou à leur efficacité.
- Ils sont dans notre société, quand nous réduisons la dignité humaine à un indice de productivité ou à un capital de visibilité sur internet.
Jésus nous rappelle que la relation à Dieu, comme la relation à l’autre, doit être un espace de gratuité absolue. L’amour, le pardon, la foi, l’accueil ne s’achètent, ni ne se vendent. Ils sont le lieu de la présence divine, et doivent être purifiés de la logique du profit.
Face à la demande de signe des Juifs, Jésus donne une réponse énigmatique : « Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai. »
L’apôtre Jean, en commentant ces paroles, nous donne la clé : « Mais lui parlait du sanctuaire de son corps. »
C’est là que la fête du Latran prend tout son sens. Le Latran est la « Mère de toutes les églises », mais l’Église a désormais un nouveau centre, un nouveau Temple : le corps ressuscité du Christ.
Et par le baptême, notre corps est devenu le temple de l’Esprit Saint (1 Co 6, 19).
- L’Interpellation : En 2025, le plus grand chantier de dédicace et de purification n’est pas le monument de pierre, mais notre propre vie. Nous devons nous poser la question : quel commerce secret ai-je laissé s’installer dans le temple de mon cœur ? Quels intérêts égoïstes polluent l’espace qui devrait être réservé à la prière, à l’amour véritable et à la paix ?
La colère sainte de Jésus est un appel à l’auto-purification radicale. Il ne s’agit pas de juger le monde extérieur, mais de prendre le fouet de l’honnêteté spirituelle pour chasser de nos vies ce qui défigure la présence de Dieu : le cynisme, l’attachement obsessionnel à l’argent ou au succès, la superficialité.
Aujourd’hui, en célébrant l’unité autour de la Basilique Mère, nous célébrons le fait que nous sommes les pierres vivantes du nouveau Temple. Le Christ est le nouveau lieu de rencontre entre Dieu et les hommes.
Notre vocation, c’est de faire de nos communautés, de nos familles, de nos lieux de travail, des espaces de rencontre pure, où la logique de la gratuité l’emporte sur la logique du commerce.
- Si nos églises sont des monuments magnifiques, c’est pour nous rappeler la grandeur de Celui que nous adorons.
- Mais le véritable culte se célèbre quand nous traitons chaque personne – l’ami, le collègue, l’étranger – avec la même vénération que nous accorderions à la présence du Christ.
Être le Temple du Christ en 2025, c’est :
- Dénoncer avec courage tout ce qui commercialise la dignité humaine.
- Purifier notre propre intérieur des idoles secrètes.
- Construire la communion là où règnent la division et l’isolement.
Que la fête de la Basilique du Latran nous inspire non pas à admirer les pierres anciennes, mais à devenir des sanctuaires de vie et de justice, où le zèle de la Maison du Père brûle de la flamme de l’Amour.

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