Il était une fois, dans un pays où les collines ondulaient comme des vagues figées, un homme nommé Kael. Kael n’était pas un homme ordinaire, car depuis sa naissance, il portait sa maison sur son dos. Oh, ce n’était pas une petite cabane, mais une demeure magnifique, faite de bois précieux et de pierres rares, avec des fenêtres de verre teinté et un jardin miniature sur le toit.

Kael aimait sa maison. Il la bichonnait, la décorait, et s’assurait que chaque tuile était à sa place. Elle était sa fierté, son identité. Quand on parlait de Kael, on disait : « C’est l’homme avec la belle maison sur le dos. »
Mais cette maison, aussi belle soit-elle, était incroyablement lourde. Chaque pas de Kael était un effort. Ses épaules étaient courbées, son front toujours perlé de sueur. Il ne pouvait courir, ni danser, ni même s’asseoir confortablement sans que le poids ne le gêne. Il voyait les autres villageois, légers, gambader dans les champs, rire aux éclats, et il soupirait, car même un sourire était difficile avec un tel fardeau.
Un jour, une caravane de sages arriva au village. Leur chef, une vieille femme aux yeux lumineux et au dos droit comme un i, remarqua Kael. « Mon ami, dit-elle, pourquoi portez-vous un tel poids ? N’aspirez-vous pas à la légèreté ? » Kael, essoufflé, répondit : « Mais c’est ma maison ! C’est ce que je suis ! Si je la pose, que me restera-t-il ? Je serai nu, sans abri, sans identité. » La vieille femme sourit doucement. « Et si votre véritable maison n’était pas celle que vous portez, mais celle que vous construisez à chaque instant, avec chaque pas libre ? »
Kael ne comprit pas tout de suite, mais les mots de la sage le troublèrent. La nuit, il regardait sa magnifique maison, et pour la première fois, il ne voyait que son poids.
Le lendemain, Kael prit une décision audacieuse. Il se rendit au centre du village, là où il y avait une grande place ouverte. Avec un effort surhumain, il commença à démonter sa maison. Pièce par pièce, pierre par pierre, il la déposa au sol. Les villageois, d’abord stupéfaits, puis curieux, vinrent l’aider. Les fenêtres furent retirées, les murs démantelés, le jardin transplanté.
Quand la dernière tuile fut posée, Kael se tenait là, nu de sa maison. Il se sentait vulnérable, étrange, mais surtout, incroyablement léger. Il n’avait jamais ressenti une telle sensation. Il inspira profondément, leva les bras vers le ciel, et, pour la première fois de sa vie, il sauta de joie.
Pendant qu’il dansait, libre comme l’air, la vieille sage s’approcha de lui. « Maintenant, Kael, que vas-tu faire de toutes ces belles pièces ? » Kael s’arrêta, son visage éclairé. « Je ne sais pas encore. Mais je sais une chose : je suis prêt. Je suis prêt à marcher sans entrave, à découvrir de nouveaux chemins, à construire un nouvel abri là où le vent me portera, peut-être même une tente que je pourrai monter et démonter facilement ! »
La sage hocha la tête. « C’est cela, le grand Oui. Non pas le ‘oui’ à une seule et unique chose, mais le ‘Oui’ à l’aventure de la vie elle-même, avec la certitude que votre véritable foyer est en vous, et que la richesse se trouve dans l’expérience, non dans la possession. »
Kael passa le reste de sa vie à voyager, utilisant les matériaux de son ancienne maison pour aider à construire des écoles, des ponts, et des lieux de rencontre dans les villages qu’il traversait. Il ne portait plus sa maison, mais il portait la légèreté de son « Oui » dans son cœur. Et partout où il allait, les gens ne disaient plus : « C’est l’homme avec la maison sur le dos, » mais : « C’est Kael, l’homme libre qui aide à construire le monde. »

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