Il était une fois, à l’ombre des tours de la cité de Brillance, un vieil homme nommé Élias. Brillance était la capitale mondiale du Paraître. Ses rues étaient pavées de marbre poli, ses habitants arboraient des vêtements scintillants et chacun se jugeait à la taille de son carrosse ou à la complexité de ses bijoux. Dans cette ville où tout criait l’opulence, Élias vivait modestement, dans une petite maison de pierre simple, presque invisible.

Son métier ? Il était Tisseur de Lumière.
Les autres habitants de Brillance ne comprenaient pas Élias. Il ne possédait qu’une seule robe de lin brute, mangeait des légumes de son jardin et ne possédait aucun des célèbres Miroirs de Vanité qui décoraient toutes les demeures pour refléter et amplifier les richesses.
La seule chose qu’Élias possédait d’exceptionnel était une étrange machine : un ancien métier à tisser, fait de bois usé et de fils ternes. Pendant que les citoyens de Brillance s’affairaient à accumuler de l’or et des pierres, Élias passait ses journées à tisser.
Mais il ne tissait pas de la soie ni de l’or. Il tissait quelque chose d’invisible.
Un jour, Périclès, le jeune fils du magistrat le plus riche de la ville, s’arrêta devant la maison d’Élias. Périclès était désespéré. Malgré des coffres pleins et une vie de plaisirs, il souffrait d’un ennui et d’une lassitude profonds.
« Vieil homme, lui demanda Périclès avec arrogance, quel est donc ton travail ? Je vois que tu ne fabriques rien de valeur. Ta maison est pauvre. Que tisses-tu avec ces fils minables ? »
Élias sourit, sans arrêter le mouvement régulier de sa navette.
« Je tisse, jeune Périclès, ce que ta ville a oublié : la Lumière Intérieure ».
Périclès se moqua : « La lumière ? Regarde ma cape ! Elle est tissée de fils d’argent qui renvoient la lumière du soleil sur un kilomètre ! »
Élias secoua la tête : « Ce n’est que du reflet, jeune homme. Un nuage, et elle s’éteint. Moi, je tisse la lumière qui brûle de l’intérieur, celle qui ne dépend ni du soleil ni de l’argent. »
Intrigué, Périclès s’assit. Élias continua :
« Chaque fil que j’insère représente un acte, une pensée ou une attitude.
- Quand je passe le fil de la Compassion (un fil gris) et que je pardonne à un voisin, il s’illumine d’un bleu doux.
- Quand je tisse le fil de l’Honnêteté (un fil brun) dans une petite décision quotidienne, il devient un vert éclatant.
- Chaque fois que je prends le temps de la Contemplation et que j’apprends à connaître la nature de mon propre esprit, le fil de la Sérénité (le fil le plus fin) s’allonge et se met à vibrer d’un or discret. »
Périclès regardait le tissu d’Élias. Il était simple, un peu rugueux, mais à y regarder de près, il vibrait d’une lueur subtile et changeante, une complexité chromatique qu’aucun miroir n’aurait pu capturer.
Élias termina : « Le monde voit ma maison simple et ma robe de lin. Mais chaque matin, je revêts ce tissu invisible que j’ai créé moi-même. Il est ma véritable fortune. Elle me tient chaud quand il fait froid, elle m’éclaire quand il fait sombre, et elle est la seule chose que l’on ne peut pas me voler. »
La Moralité
Le jeune Périclès repartit, non pas pour acheter plus de miroirs, mais pour s’asseoir, enfin, dans le silence. Il comprit que Brillance était remplie de gens qui passaient leur vie à polir l’enveloppe, mais qui n’avaient jamais pris le temps de tisser la richesse de leur âme.
À partir de ce jour, Périclès décida que s’il ne pouvait pas vivre sans quelques miroirs, il les tournerait vers l’intérieur pour observer, non pas son image extérieure, mais le travail de son propre esprit.
Il ne devint pas pauvre, mais il devint libre. Il avait choisi d’investir non pas dans le marbre des rues, mais dans le tissu secret et lumineux de sa propre intériorité.

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