Au cœur du Royaume de la Volonté vivait un jeune homme nommé Élios. Il n’était ni riche ni pauvre, ni brave ni lâche ; il était, tout simplement, en attente.

Son problème n’était pas l’absence de destin, mais sa profusion.

Élios se tenait devant le Mur des Cent Sentiers, une merveille minérale qui barrait la route vers sa vie d’adulte. Ce mur, sculpté par les anciens Rois du Doute, était percé d’une centaine d’ouvertures, chacune s’ouvrant sur un chemin distinct.

Un sentier menait à la Cité de l’Or (richesse), un autre au Temple des Sages (connaissance), un troisième à la Vallée des Cœurs Éternels (amour). Il y avait aussi des chemins terrifiants : le Sentier des Épreuves Incessantes, l’Allée de l’Ombre Solitaire, et même le Trou de la Non-Décision, une fosse boueuse où finissaient ceux qui s’épuisaient à l’attente.

Élios avait vingt ans et n’avait toujours pas franchi le mur.

La Tentation de la Perfection

Chaque matin, il s’approchait d’une ouverture, listait mentalement les avantages et les inconvénients du chemin, puis reculait.

« Si je choisis le Chemin de l’Amour, » se disait-il, « je n’aurai jamais le temps de bâtir la Cité de l’Or. Si je choisis l’Or, ma sagesse sera vide. »

Il passait ses journées à comparer les couleurs, à mesurer les profondeurs, à interroger les voyageurs de retour. Le choix était pour lui une énigme douloureuse. Il cherchait l’unique porte qui contiendrait l’ensemble de tous les bonheurs.

Un vieux sage, le sculpteur du mur lui-même, vint s’asseoir près d’Élios.

« Jeune homme, pourquoi es-tu immobile ? » demanda le vieil homme.

« Grand Maître, je cherche le bon choix. Celui qui me mènera à la vie parfaite. Je crains de choisir le faux chemin et de gaspiller ma seule existence. Choisir est trop difficile ! » soupira Élios.

La Leçon du Maître

Le sage sourit. Il prit une poignée de sable fin et souffla doucement.

« Regarde le sable. »

Élios vit quelques grains s’envoler, mais la majorité retomba.

« La vie parfaite n’existe que dans le sable que tu n’as pas tenu. Chaque sentier est incomplet. Et tu as raison, Élios, choisir est difficile si tu crois que tu choisis l’arrivée… »

Le Maître se leva et désigna le Trou de la Non-Décision.

« …et c’est facile si tu réalises que tu choisis qui tu veux être. »

Élios fronça les sourcils : « Je ne comprends pas. »

« La difficulté vient du renoncement aux autres vies. La facilité vient de la connaissance de toi-même. Le chemin que tu prends n’est qu’une scène. Le vrai choix, c’est l’esprit avec lequel tu marches. Voudras-tu être un sage amer de ne pas être riche, ou un sage reconnaissant de connaître la vérité ? »

Le Maître prit une hachette et frappa la roche près d’une porte insignifiante.

« Si tu choisis la porte de l’Or avec l’esprit d’un philanthrope, tu transformeras l’Or. Si tu choisis le Temple des Sages avec l’esprit d’un serviteur, tu transformeras la Sagesse. »

Le Choix du Voyageur

Élios s’assit, le cœur allégé par cette idée étrange : l’issue importait moins que l’intention. Il comprit que son rôle n’était pas de trouver le chemin parfait, mais de parfaire le chemin qu’il choisirait. Il pouvait rendre sa vie juste a posteriori, par son engagement.

Il se redressa. Il regarda le Mur. Non pas cent possibilités, mais cent invitations à devenir.

Il désigna un sentier discret qui menait à la Forêt du Bois Tordu. Il n’y avait ni or, ni gloire, ni certitude. C’était un chemin de silence et de patience.

« Je choisis celui-là, » dit Élios.

« Et pourquoi ? » demanda le Maître.

« Parce que je veux apprendre à construire ce qui manque au lieu de chercher ce qui est déjà fait. Je choisis d’être un homme patient et créatif. »

Élios posa une main sur la pierre du mur. Il ne ressentit plus l’angoisse de renoncer, mais l’excitation d’engager. Il traversa le Mur des Cent Sentiers.

Le Maître regarda le jeune homme s’éloigner dans les arbres. Il ramassa la hachette et l’utilisa pour graver deux mots sur la pierre de l’ouverture choisie par Élios :

« Mon Chemin. »

Le choix n’avait pas été facile, mais il avait rendu Élios libre. Il avait cessé de chercher la perfection dans le destin pour la trouver dans son propre cœur.

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