En cet automne 2025, la Belgique se trouve à l’épicentre de plusieurs forces de tension, faisant d’octobre un mois où le pays semble avancer le dos courbé, tiraillé entre ses impératifs budgétaires et son socle social. L’actualité n’est pas tant celle des événements ponctuels que la cristallisation de trois conflits structurels majeurs.

I. Le Front Social : Le Cri de la Rue Contre les Chiffres

L’événement le plus marquant de ce début d’octobre est sans conteste la manifestation nationale du 14 octobre, mobilisant le front commun syndical contre les mesures socio-économiques du gouvernement, souvent désignées par l’appellation « Coalition Arizona ».

Le slogan « Stop aux économies sur le dos des travailleurs ! » résume le cœur du problème : les citoyens se sentent sacrifiés sur l’autel de l’assainissement budgétaire. Face aux projections du Bureau du Plan annonçant une croissance économique modérée (autour de 1,2% en 2025), mais un déficit budgétaire qui continue de se creuser (vers 5% du PIB) et un taux de chômage en légère hausse, la réponse politique semble être l’austérité.

La réflexion qui s’impose est celle de la justice sociale : le gouvernement, qui peine à trouver un équilibre budgétaire dans ses comités restreints, privilégie-t-il la rigueur comptable au risque d’épuiser le tissu social ? L’érosion de l’indexation, la menace sur les pensions (le fameux « Malus Jambon ») et le sentiment d’une « casse sociale » soulignent un divorce croissant entre la salle des marchés et le marché du travail. La rue n’attend pas seulement des chiffres, elle exige de la vision et de la solidarité.

II. Le Front de la Santé : La Bataille des Modèles

Le deuxième front s’ouvre sur le secteur de la santé, un domaine intrinsèquement belge, marqué par la complexité du financement et l’autonomie des acteurs.

Le débat autour du « milliard des mutualités » et la concentration des soins (la réduction des lits d’hôpitaux) révèlent une lutte acharnée entre deux philosophies :

  1. La « Médecine d’État » (selon ses détracteurs) : Un modèle plus centralisé et régulé, visant à maîtriser les coûts et à garantir une équité totale.
  2. La « Liberté d’Innovation » : Un modèle plus libéral, défendu par certains politiques et médecins, qui craint que la réduction des suppléments ou le manque de moyens n’étouffe l’innovation et la qualité des soins.

La question n’est pas technique, elle est sociétale : Quel prix sommes-nous prêts à payer pour maintenir l’accessibilité universelle et la qualité de notre modèle de soins, pilier historique de la Belgique ? La polarisation du débat montre que le pays n’a toujours pas trouvé le consensus pour financer durablement un système de santé qui répond aux défis du vieillissement et des nouvelles technologies.

III. Le Front Institutionnel : La Stabilité à l’Épreuve

Enfin, l’actualité d’octobre est traversée par l’ombre des tensions interrégionales et la difficulté à faire fonctionner un État fédéral complexe. La visite d’État du Président italien, censée célébrer les liens diplomatiques, contraste avec l’image d’un gouvernement fédéral pris dans des « nouvelles pauses » budgétaires.

La nécessité de reconfirmer des accords de coopération (comme sur la directive services) ou de mettre à jour le Plan national Énergie et Climat (PNEC) montre que, même sur des sujets cruciaux, l’action belge est conditionnée par la négociation permanente entre entités autonomes. La lenteur du processus, amplifiée par la crise budgétaire, crée une impression d’immobilisme.

L’Interpellation Finale : La Belgique d’octobre 2025 est un pays riche, mais fatigué de ses propres contradictions. Le défi n’est plus la croissance (qui reste positive), mais la redistribution du fardeau et des bénéfices. Tant que les Belges ne parviendront pas à transcender le clivage idéologique sur qui doit payer et qui doit recevoir, les trois fronts resteront ouverts. Le véritable enjeu n’est pas le déficit, mais la confiance : la confiance des citoyens dans la justice de leurs dirigeants, et la confiance des entités entre elles pour piloter un État à la fois solidaire et performant.

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