Il était une fois, dans une ville faite de brume et d’ambition, un jeune homme nommé Élios. Il vivait sous la tyrannie des apparences.

Élios était un apprenti architecte talentueux, mais ce n’est pas ce que les gens voyaient. Ils voyaient seulement son air emprunté et ses vêtements modestes. Alors, Élios devint un maître dans l’art de la duplicité. Il parlait d’une voix forte pour cacher ses doutes, il critiquait le travail des autres pour se faire paraître supérieur, et il passait ses nuits à polir son discours du lendemain, comme on cire une armure rouillée. Son cœur, lui, se cachait derrière d’épaisses voiles, terrifié à l’idée que quelqu’un découvre ses insécurités.
Un jour, il fut convoqué par le Maître des Bâtiments, un vieil homme aux yeux clairs qui supervisait tous les projets de la cité.
« Élios, » dit le Maître, sans lever les yeux de ses plans, « on dit que tu es prometteur. Mais regarde tes fondations. »
Élios s’offusqua : « Mes fondations sont solides, Maître ! J’ai veillé à chaque pierre ! »
Le Maître sourit tristement : « Je parle des fondations de ta personne. Tu te soucies trop de la colère des Tueurs de Façades – ces critiques amères qui peuvent démolir ta réputation ou t’enlever un contrat. Leur pouvoir est de te retirer tes briques. Mais après cela, que peuvent-ils faire de plus ? Rien. Tes murs tiendront si tu es toi-même inébranlable. »
Élios était perplexe. « Mais alors, qui devrais-je craindre, Maître ? »
« Tu devrais craindre celui qui a le pouvoir d’effacer le plan intérieur, » répondit le vieil homme. « Crains le jour où, à force de jouer un rôle, tu auras perdu l’original. Crains l’oubli de toi-même. C’est la seule peur qui mène à la destruction totale. »
Le Maître des Bâtiments le conduisit alors à l’extérieur, vers une volière où gazouillaient des milliers de passereaux, ces oiseaux minuscules et communs.
« Vois-tu ces créatures ? » demanda le Maître. « Pour deux pièces de cuivre, tu peux en acheter cinq. Elles sont si insignifiantes qu’elles n’ont presque aucune valeur marchande. Et pourtant, le plan qui gère cette volière n’en oublie aucune. »
Il se tourna vers Élios. « Crois-tu que l’architecte de ce monde est assez maladroit pour compter le moindre moineau, et te perdre, toi, l’une de ses œuvres les plus complexes ? »
Élios secoua la tête, silencieux.
Le Maître des Bâtiments termina d’une voix douce : « Sais-tu qu’il existe, quelque part, un inventaire si précis qu’il a compté les cheveux de ta tête ? Non pas pour te juger, mais pour t’affirmer ta valeur. Tu es une création dont l’existence même est un détail infiniment précieux dans le grand dessein. »
Élios comprit soudain l’immense poids qu’il portait : le poids de la dissimulation. Et il réalisa que le regard critique des autres était une plume à côté du fardeau d’être quelqu’un qu’il n’était pas. Il laissa tomber son masque d’arrogance, se sentant, pour la première fois, léger.
Morale du Conte
Le prix à payer pour être vrai est toujours moins lourd que le coût énergétique de l’illusion. Cessez de craindre les petites menaces qui pèsent sur votre façade. Votre valeur est une donnée fondamentale, non négociable. Vivez avec une intégrité si radicale que même si tous vos secrets étaient révélés, vous n’auriez rien à craindre.

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