(Évangile : Luc 18, 1-8 – La veuve et le juge inique)
Frères et Sœurs,

L’Évangile que nous venons d’entendre est d’une clarté déconcertante. Jésus nous offre cette parabole avec un objectif très précis : « Il leur disait une parabole pour montrer qu’il faut toujours prier, sans jamais se décourager » (Lc 18, 1).
Aujourd’hui, le Christ ne nous donne pas une leçon de théologie complexe, mais une leçon de vie spirituelle fondamentale : l’art de la persévérance dans la prière.
1. Le Contraste Inacceptable : Le Juge Inique
Jésus commence par dresser le portrait d’un personnage peu recommandable : un juge « qui ne craignait pas Dieu et ne respectait pas les hommes. » C’est l’image même de l’autorité corrompue et indifférente. Face à lui, la veuve, image de la vulnérabilité et de la misère sociale. Elle n’a ni défenseur, ni argent, ni pouvoir. Elle n’a qu’une seule chose : son insistance.
Le juge finit par céder. Mais pourquoi ? Pas par conversion, pas par pitié, mais par égoïsme pur : « pour qu’elle ne vienne plus sans cesse m’assommer ». Il agit pour retrouver sa tranquillité.
C’est là que l’Évangile nous surprend. Jésus utilise cette logique humaine imparfaite, voire cynique, pour parler de Dieu. Il nous dit en substance : si l’importunité a raison de l’injustice et de l’égoïsme, à combien plus forte raison votre Père céleste, qui est Amour et Justice, répondra-t-il à ses propres élus ?
2. Le Dieu du « Bien Vite »
Le message est un appel à la confiance radicale : Dieu n’est pas le juge inique !
Le juge agit malgré lui ; Dieu agit par amour. Le juge est importuné ; Dieu désire notre prière. Le juge est lent et réticent ; Jésus nous déclare : « Je vous le déclare : bien vite, il leur fera justice. »
Ce « bien vite » de Dieu est cependant le point de friction pour nous. Nous crions vers lui, parfois pour des années, pour la santé d’un proche, pour la paix dans le monde, pour la justice après une injustice. Et nous avons l’impression qu’il « tarde ».
Mais le temps de Dieu n’est pas le nôtre. Quand Jésus dit « bien vite », il nous rappelle que, du côté de Dieu, la volonté de faire justice est immédiate et absolue. Si nous percevons un délai, ce n’est pas une réticence divine, mais souvent :
- Un temps de maturation pour notre foi : Notre foi, comme l’or, doit être éprouvée pour grandir. La persévérance nous détache de l’immédiateté et nous centre sur la relation.
- Un temps de conversion pour le monde : La prière n’est pas une formule magique ; elle est une force qui change d’abord notre cœur, nous pousse à l’action, et œuvre à la conversion des autres et du monde.
3. La Question Cruciale : « Trouvera-t-il la foi sur la terre ? »
La parabole se conclut par une question qui nous atteint de plein fouet : « Cependant, quand le Fils de l’homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? »
Le vrai danger n’est pas que Dieu n’écoute pas. Le danger, c’est que nous nous découragions et que nous cessions de crier vers lui. Le danger, c’est de laisser notre foi s’éteindre, vaincue par la lassitude.
Être chrétien, c’est vivre dans cette tension : savoir que Dieu est juste et qu’il agit, et pourtant devoir continuer à crier vers lui, inlassablement.
C’est la même tension que nous trouvons dans la première lecture : Moïse doit garder les mains levées pour que son peuple l’emporte. Mais c’est difficile, alors Aaron et Hour le soutiennent.
Frères et sœurs, cette semaine, cet Évangile est un immense encouragement :
- Si vous vous sentez comme la veuve, impuissant(e) face à une difficulté ou une injustice, ne vous taisez pas ! Criez vers Dieu jour et nuit, avec l’audace et la ténacité de celle qui n’a rien à perdre, sinon sa dignité.
- Si vous vous sentez découragé(e), soutenez-vous mutuellement. Nous sommes l’Église, la communauté où les uns portent les bras de prière des autres, comme Aaron et Hour portaient les bras de Moïse.
- Nourrissez votre foi par la Parole (comme nous y invite Saint Paul dans la deuxième lecture), car c’est la Parole qui nous révèle le Dieu d’Amour, le Dieu qui n’est pas inique, mais toujours juste et attentif.
Ne laissons jamais la fatigue ou le doute répondre à la question de Jésus par la négative. Faisons en sorte que, lorsque le Fils de l’Homme reviendra, il trouve en chacun de nous une foi vive et persévérante, une prière tenace qui ne lâche rien, car elle sait à Qui elle s’adresse : un Père qui veut nous faire justice, bien vite et pour l’éternité.
Amen.

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