Il était une fois, en 2025, une métropole ultramoderne nommée « Astra », la Cité de Verre. Tout y était conçu pour l’apparence : les tours étaient si brillantes qu’on s’y reflétait sans défaut, les rues étaient si bien tracées que marcher un centimètre hors des lignes blanches était impensable, et les jardins étaient tondus au millimètre près.

Les citoyens d’Astra, les Astriens, vivaient selon une seule loi tacite : la Loi de la Façade Impeccable.

Chaque Astrien portait l’Uniforme du Succès : une tenue monochrome, parfaitement repassée, choisie pour sa rareté. Les conversations étaient des rituels de politesse complexes. Les émotions fortes, jugées « mal codées, » étaient strictement bannies. Le rituel le plus sacré était le « Lavage des Mains Sociales » : l’acte de publier quotidiennement un exploit professionnel, une vue idyllique, ou une pensée philosophique clean pour prouver sa pureté et sa contribution à la perfection d’Astra.


La Coupe et le Contenant

Au milieu de cette perfection étincelante vivait un homme nommé Kael. Kael était le plus diligent de tous. Son uniforme était sans un seul pli, ses publications faisaient l’unanimité et sa maison, sa « Bulle, » était un chef-d’œuvre de design.

Un jour, Kael invita un voyageur étranger nommé Eli, venu des Terres Oubliées où les gens vivaient dans le désordre.

À midi, Kael sortit deux gobelets futuristes. Il prit un chiffon stérile et se mit à polir minutieusement l’extérieur de son propre gobelet. Eli, le regardant faire, se contenta de verser de l’eau dans le sien et de boire.

Kael fut choqué. « Monsieur ! Votre gobelet n’est pas purifié ! » s’écria-t-il. « Si vous ne polissez pas l’extérieur, comment garantissez-vous sa conformité à l’esthétique d’Astra ? »

Eli sourit. « Kael, tu as passé dix minutes à rendre l’extérieur de ta coupe impeccable. Mais regarde à l’intérieur. »

Kael regarda le gobelet d’Eli. L’extérieur était terne. Mais quand il regarda le sien, il vit au fond une légère pellicule sombre, une boue de résidus. C’était la saleté invisible, accumulée par des années de négligence du nettoyage interne.

« Tu as poli la façade, Kael, » dit Eli doucement. « Mais l’intérieur de ta coupe est rempli de ta cupidité d’image et de la méchanceté de juger tous ceux qui ne polissent pas comme toi. »


L’Aumône de l’Intérieur

« Il n’y a qu’une façon de rendre l’intérieur pur, » poursuivit Eli. Il désigna un tas d’objets endommagés dans un coin de la Bulle de Kael : des outils cassés, des livres jaunis.

« Au lieu de gaspiller ton temps à polir ce que les autres voient, donne ce que tu as de toi-même : ton temps non filtré, tes ressources inutilisées, tes objets délaissés, ton attention non protocolaire. »

Il fit un grand geste. « Vide ton intérieur en donnant ce que tu as dedans — ton égoïsme, ton jugement, ta peur d’être imparfait. Quand tu te donnes, quand tu fais l’effort de mettre ce qui est en toi au service de l’extérieur, alors ton être tout entier est purifié : ta façade devient honnête, et ton cœur devient léger. »

Kael regarda le gobelet avec ses résidus sombres. Il comprit que tout son travail sur l’image n’avait servi qu’à sceller la saleté à l’intérieur. Il prit les outils cassés et le livre. Pour la première fois de sa vie, il se déconnecta de son flux en direct. Il sortit de sa Bulle, le cœur battant, cherchant un endroit où son don réel serait plus utile que son image parfaite.


Morale de l’Histoire

La véritable propreté n’est pas dans le poli de l’extérieur, mais dans la générosité de l’intérieur. Ce que vous donnez de vous-même est ce qui vous purifie le plus profondément.

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