Il était une fois, dans un village posé entre deux montagnes, dix hommes que tout le monde fuyait.
On les appelait les Ternis, parce que leur peau portait des taches grises et leur regard, de la tristesse.
Les gens disaient qu’ils étaient impurs, dangereux, maudits peut-être.
Alors on les avait chassés au-delà du village, dans une vieille carrière de pierres, là où plus personne ne passait.

Chaque matin, les Ternis voyaient la fumée monter des maisons d’en bas.
Ils entendaient les rires des enfants, les bruits du marché.
Et eux, ils vivaient de silence, de vent et d’attente.

Un jour, la rumeur arriva qu’un homme traversait la région, un homme qui redonnait espoir à ceux qui n’en avaient plus.
On disait qu’il ne fuyait personne, pas même les lépreux.
Alors les dix décidèrent d’aller à sa rencontre.

Ils se mirent en route, en marchant loin du chemin, de peur d’effrayer les passants.
Quand ils aperçurent l’homme au loin, ils s’arrêtèrent à bonne distance.
Le plus vieux cria :
— Maître, si tu peux quelque chose, aie pitié de nous !

L’homme les regarda longuement. Son regard n’avait ni peur ni dégoût.
Il dit simplement :
— Allez vous montrer aux prêtres.

Les dix se regardèrent, étonnés.
Ils n’étaient pas guéris. Pas encore.
Mais quelque chose, dans la voix de cet homme, leur donna la force d’avancer.

Alors ils partirent.
Et, au fil du chemin, la peau de leurs mains s’éclaircit, leurs plaies se refermèrent, leurs corps reprirent vie.
La joie les envahit.
Ils coururent vers le village, riant, criant, dansant.

Tous, sauf un.

Le dixième s’arrêta.
Il regarda ses mains, lisses et neuves.
Il sentit le vent sur sa peau, et les larmes lui montèrent aux yeux.
Quelque chose en lui disait : Ne pars pas comme si rien ne s’était passé.

Alors il fit demi-tour.
Il remonta la colline, seul, tandis que ses compagnons disparaissaient au loin.
Il retourna vers l’homme.
Quand il le trouva, il tomba à genoux, incapable de parler.
Il posa seulement ses mains sur son cœur, puis sur la terre, puis leva les yeux.

L’homme sourit et dit doucement :
— Où sont les neuf autres ?
Et après un silence :
— Relève-toi. Tu n’as pas seulement guéri. Tu es devenu vivant.

Les années passèrent.
Les neuf autres continuèrent leur route, reprirent leurs métiers, leurs maisons, leurs habitudes.
On les voyait souvent raconter leur histoire, fiers de leur miracle.
Mais au fond d’eux, il manquait quelque chose.
Une paix qu’ils n’avaient jamais trouvée.

Quant au dixième, on le voyait parfois marcher sur les sentiers du pays.
Il avait dans le regard une lumière tranquille.
Quand on lui demandait :
— Que t’est-il arrivé ce jour-là ?
Il répondait simplement :
— J’ai appris à revenir.
Et à chaque pas, je continue à dire merci.

🌿 Morale du conte

Il y a dans chaque vie des guérisons visibles et invisibles.
Mais la vraie guérison ne s’achève que lorsque l’on sait revenir vers la Source,
reconnaître ce qui nous a été donné,
et laisser le mot merci habiter nos pas.

Car le bonheur ne se trouve pas dans ce qu’on obtient,
mais dans ce qu’on reconnaît.

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