Dans un village où tout était gris, vivait un homme nommé Élias. Ses rues étaient grises, ses maisons grises, et les visages des habitants reflétaient la même teinte monotone. Non pas qu’ils étaient tristes, mais ils étaient indifférents. Chacun vivait dans sa propre bulle, ignorant les joies et les peines de son voisin. Un homme tombait, les autres passaient sans s’arrêter. Une femme riait, personne ne se tournait pour voir pourquoi.

Un jour, une petite fille, prénommée Lila, arriva au village. Son cœur était une palette de couleurs vives. Elle riait avec une joie aussi éclatante que le jaune d’un tournesol. Elle pleurait des larmes si transparentes qu’elles semblaient des gouttes de pluie. Elle aimait si fort que son amour avait la couleur rouge d’une rose.
Lila essaya de partager ses couleurs. Quand elle vit un vieil homme trébucher, elle courut vers lui pour l’aider à se relever. Elle lui offrit une fleur qu’elle avait peinte sur son tablier. Mais le vieil homme, habitué à l’indifférence, ne la regarda même pas.
Quand un jeune homme lui raconta une blague, elle éclata de rire d’un son joyeux. Mais le jeune homme, ne voyant pas d’écho à sa blague, s’en alla, le cœur lourd.
Jour après jour, les couleurs de Lila commencèrent à s’estomper. Le jaune de son rire devint pâle. Le rouge de son amour s’assombrit. La petite fille, elle aussi, commençait à devenir grise. Elle avait beau essayer, ses couleurs semblaient glisser sur l’indifférence des autres. Un jour, en regardant son reflet dans une flaque, elle vit qu’elle était devenue aussi grise que le reste du village. Elle se sentit seule et sans espoir.
C’est alors qu’un vieil aveugle, qui ne voyait pas les couleurs mais les sentait, vint à sa rencontre. Il toucha la main de Lila, si petite et si froide. Il sentit sa tristesse. « Pourquoi ton cœur est-il si lourd, mon enfant ? » lui demanda-t-il. Lila, surprise qu’on lui adresse la parole, raconta comment elle avait perdu ses couleurs.
Le vieil aveugle lui dit alors : « Tes couleurs ne se sont pas envolées, elles ont été absorbées par la tristesse des autres. Le village est gris parce qu’il a besoin de tes couleurs. Il ne s’agit pas de les donner une seule fois, mais de les offrir inlassablement. Certaines personnes sont si lourdes de chagrin qu’elles n’ont pas la force de les recevoir. Ce qu’il leur faut, c’est ta persévérance. »
Encouragée par ces mots, Lila décida de ne pas abandonner. Le lendemain, elle vit une femme pleurer en silence sur un banc. Au lieu d’essayer de lui parler, Lila s’assit simplement à ses côtés. Elle resta là, sans rien dire, pendant de longues minutes. Doucement, la femme sentit une présence bienveillante. Elle leva la tête et vit le regard de Lila. Un fil de couleur, d’un bleu tendre comme un ciel d’été, se tendit entre leurs cœurs. La femme sentit son propre chagrin s’alléger un peu.
À partir de ce jour, Lila continua d’offrir sa présence, son écoute, son sourire. Elle ne cherchait pas de remerciements, mais agissait par amour. Lentement, très lentement, les couleurs revinrent. Un homme offrit son aide à un voisin, une femme fit un compliment à une inconnue. Le gris du village commença à se craqueler, laissant apparaître des touches de couleur. Et au milieu de ce tableau qui s’illuminait, Lila était là, avec un cœur plus coloré et plus fort que jamais.
Morale : L’indifférence est une maladie du cœur. Le plus grand antidote n’est pas un acte spectaculaire, mais la constance de la compassion. L’amour donné sans rien attendre en retour est la seule couleur qui peut vraiment illuminer le monde.

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