Dans un petit village nichĂ© entre des collines verdoyantes, vivait un tailleur du nom dâĂlias. Sa boutique, oĂč flottait lâodeur de la laine et du lin, Ă©tait toujours remplie de clients. Ălias Ă©tait renommĂ© pour son talent, mais aussi pour sa particularitĂ© : il ne travaillait qu’avec un seul et unique fil dâor.

Ce fil, fin et prĂ©cieux, Ă©tait sa fiertĂ©. Il lâutilisait pour coudre les plus beaux vĂȘtements. Les riches marchands venaient de loin pour obtenir une tunique ornĂ©e de ce fil Ă©clatant. Mais Ălias Ă©tait si avare de son fil quâil ne lâutilisait quâavec parcimonie, en ne cousant que quelques points par-ci par-lĂ . Il Ă©tait persuadĂ© que le bonheur rĂ©sidait dans la possession de cette unique richesse.
Un jour, une vieille femme entra dans sa boutique. Elle nâavait ni argent ni fortune, mais seulement un simple bout de tissu usĂ© quâelle tenait prĂ©cieusement dans ses mains tremblantes. â « Ma robe est dĂ©chirĂ©e, MaĂźtre Ălias. Pouvez-vous la rĂ©parer ? Je nâai rien dâautre Ă vous offrir que ma gratitude. »
Ălias, agacĂ©, regarda le tissu banal et refusa d’abord. Mais la tristesse dans les yeux de la vieille femme le toucha. Il prit l’Ă©toffe et la fixa. Un long fil d’or, qu’il aurait pu garder pour un client plus fortunĂ©, sortit de sa main et il se mit Ă coudre. Mais au lieu de faire quelques points, il se laissa emporter par un Ă©lan de gĂ©nĂ©rositĂ© inattendu. Il recousit la robe avec soin, formant des motifs dĂ©licats, des arabesques scintillantes. Plus il cousait, plus il oubliait son fil. Il ne pensait qu’Ă la joie qu’il apporterait Ă cette femme. Quand il eut terminĂ©, le fil d’or avait presque disparu. Il n’en restait qu’une minuscule parcelle.
Le lendemain, Ălias se rĂ©veilla avec le sentiment d’avoir commis une erreur. Il avait gĂąchĂ© son trĂ©sor. Il regarda le reste de son fil d’or et se sentit triste. Il dĂ©cida de fermer sa boutique.
Ce jour-lĂ , ses clients habituels se prĂ©sentĂšrent. Le riche marchand de soieries, le boulanger prospĂšre, et mĂȘme le maire du village vinrent lui rendre visite. Mais ils ne venaient pas pour des commandes. Ils avaient tous entendu parler du magnifique travail quâil avait fait pour la vieille femme. Le boulanger apporta un sac de pains chauds en Ă©change d’une petite rĂ©paration. Le marchand offrit des Ă©toffes somptueuses en Ă©change d’un simple conseil. Le maire, Ă©mu, lui proposa de recoudre toutes les banniĂšres du village pour la fĂȘte en lâhonneur de sa gĂ©nĂ©rositĂ©.
Ălias, stupĂ©fait, comprit alors. Son fil dâor nâĂ©tait pas fait pour ĂȘtre gardĂ© dans un tiroir. Il Ă©tait fait pour ĂȘtre donnĂ©. En le partageant, il ne lâavait pas perdu, il lâavait multipliĂ©. Sa plus grande richesse n’Ă©tait pas son fil, mais la gentillesse qui se cachait en lui. En offrant son talent et son temps pour le bonheur des autres, il avait dĂ©couvert une joie qu’aucun trĂ©sor ne pouvait acheter.
Ă partir de ce jour, Ălias cessa de compter son fil. Il lâutilisait pour tous, les riches comme les pauvres, et sa boutique ne dĂ©semplissait plus. Et Ă©trangement, le fil dâor semblait ne jamais se tarir. Ălias avait appris que les plus grandes richesses de la vie ne sont pas celles que lâon accumule, mais celles que lâon partage. Les fils de la gĂ©nĂ©rositĂ©, de l’Ă©coute, du partage et de l’amour sont les plus prĂ©cieux de tous. Ils se renforcent et s’illuminent Ă mesure qu’on les tisse dans la vie des autres.

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