On a tous ce souvenir de quelqu’un qui nous a blessé. Une parole qui a fait mal, une trahison, un manque de respect. Et on s’est senti blessé, bafoué. Notre premier réflexe, c’est de se défendre, de se venger, ou au moins de tirer un trait sur la personne. Et puis, la rancœur s’installe. On y repense encore et encore, on rumine. On se dit : « Cette personne n’a pas mérité mon pardon. »

Et pourtant, en tant que chrétiens, on a cette injonction, ce modèle du Christ sur la croix qui demande à son Père de pardonner à ceux qui l’exécutent. C’est le pardon radical. Un pardon qui ne demande rien en retour, qui n’attend pas d’excuses. C’est un pardon qui libère, avant tout celui qui le donne. Alors, est-ce qu’on est vraiment capable de ça ?

Le point de vue « réaliste » : « C’est pas possible, c’est trop dur. »

Soyons honnêtes, c’est un point de vue qui s’entend. On n’est pas Jésus. Nous sommes des êtres humains, avec nos émotions, nos blessures et notre fierté. On a parfois l’impression que pardonner, c’est se rabaisser. Que c’est donner une victoire à celui qui nous a fait du tort. D’ailleurs, ne pas pardonner, c’est aussi une forme de protection. C’est dire : « Tu ne me blesseras plus ». On a du mal à se dire qu’on a le droit d’être en colère, de ne pas être prêt. On a l’impression que le pardon est un interrupteur qu’on doit juste enclencher. Sauf que ce n’est pas si simple.

On a aussi souvent l’impression que pardonner, c’est oublier ce qui s’est passé. Et c’est faux. Le pardon ne gomme pas le passé, il change notre rapport à lui. Il permet de ne plus se laisser définir par la blessure. De se rappeler qu’elle a eu lieu, mais qu’elle ne nous contrôle plus.

Le point de vue « courageux » : « C’est un chemin, pas un miracle instantané. »

Le pardon radical n’est pas un sprint, c’est un marathon. C’est une décision que l’on prend, et qu’on doit renouveler chaque jour. C’est une grâce que l’on demande à Dieu. Car seul, on ne peut pas y arriver.

Pardonner, c’est d’abord reconnaître la blessure. L’accueillir, sans la minimiser, et la déposer aux pieds de Dieu. C’est lui dire : « Seigneur, cette blessure, je te la donne. Je ne peux pas la guérir seul. Aide-moi à me libérer de cette haine qui m’empoisonne. »

Ensuite, c’est un travail sur soi. C’est se dire que l’autre personne n’est peut-être pas intentionnellement méchante, qu’elle est elle-même blessée, qu’elle fait de son mieux avec ce qu’elle a. Ce qui ne justifie pas son acte, mais peut l’expliquer.

Et moi ? Pratiquement, qu’est-ce que je fais ?

  1. Reconnais la blessure. Ne la cache pas sous le tapis. Nomme-la. « J’ai été blessé par… »
  2. Prie pour la personne. Cela semble contre-intuitif, mais c’est un acte puissant. Prier pour celui qui t’a offensé, c’est commencer à briser le mur de la haine. Tu peux simplement dire : « Seigneur, bénis cette personne. Aide-la. »
  3. Libère ta parole. Écris une lettre (que tu n’enverras pas forcément) à la personne pour lui exprimer ce que tu as ressenti. C’est un acte libérateur pour toi.
  4. Accepte que ce soit un chemin. Tu peux pardonner aujourd’hui, et te sentir de nouveau en colère demain. C’est normal. Le pardon est un muscle spirituel qui a besoin d’être travaillé.
  5. Demande de l’aide. Parles-en à un ami de confiance, un prêtre, un pasteur. Partager le poids, c’est déjà en libérer une partie.

Le pardon radical, c’est à la fois un défi et une promesse. Le défi de nous dépasser, de grandir en humanité. La promesse de vivre une vie plus libre, plus légère, plus proche de celle que le Christ nous a montrée. C’est un acte de foi, un pas vers un amour que nous ne pensons pas capable de donner. Et c’est en le faisant qu’on découvre sa puissance.

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